Le plus célèbre de tapis citadins et le plus prestigieux est celui de rabat. Synonyme de finesse et de richesse, le tapis de Rabat est l’expression d’un art rarement égalé qui en fait une référence mondiale, parmi les tapis de laine. Les plus anciens ont valeur de pièces de collection.
D’origine citadine, les tapis de Rabat sont moins anciens que ceux issus des régions berbères. Un grand doute subsiste quant à leurs origines. Et comme à chaque fois que la vérité historique fait défaut, la légende s’y substitue. Ainsi ce serait une cigogne venue d’orient qui aurait laissé choeur quelques fragments reproduits par les femmes de la ville.
En fait deux thèses existantes. Pour les uns, le tapis R’bati trouverait son origine lointaine en Asie Mineure. Pour d’autres, ce seraient les musulmans d’Andalousie venus s’installer sur les rives du Bouregreg après la Reconquista qui en auraient importé les motifs et les techniques de fabrication. Mais au fil des siècles, ils se sont modelés aux critères esthétiques du pays, avec une nette inspiration orientale. Les modèles les plus anciens remontent au XVIll -ème siècle et ce sont les seuls tapis marocains dont les motifs diffèrent diamétralement des tapis berbères.
Le dessin traditionnel du tapis R’bati reprend dans ses motifs, de façon schématique l’architecture de la maison traditionnelle marocaine, avec son patio et son jet d’eau central, ses salles latérales et ses auvents. De même, les tracés et les motifs rappellent le travail des stucs et des zelliges.
Traditionnellement, le fond du tapis R’bati est de couleur vive, variante entre le rouge, le brique et le vieux rose. Cette partie évoque la koubba, le salon, avec à chaque pièce de la pièce, un motif triangulaire dit “jnah-et-tir”, les ailes d’oiseaux. Le tapis traditionnel comporte en outre un motif incontournable central en forme d’étoile, sorte de rosace dont l’aspect et la dénomination peuvent varier selon les modèles. Cela représentanta soit une “limouna b’ourqua”, littéralement une orange avec ses feuilles, soit u ne “sinia”, un plateau, un “mdel es-sul-tan”, un parasol du sultan ou encore un ” hzam Sidna Suleiman” , ou ceinture du roi Salomon.Quant aux bordures du tapis, larges bandes richement décorées par des thèmes floraux ou géométriques, celles-ci répondent aux règles strictes de polychromie où les couleurs sont limitées à sept : rouge, vert, bleu, noir ou marron, jaune orange et blanc. Certains tapis peuvent comporter jusqu’à neuf bordures, ce qui ne laisse au centre qu’une partie très réduite pour le motif central.

Outre sa beauté et sa richesse esthétique, qui en ont fait l’un des plus somptueux tapis de laine au monde, le tapis R’bati est surtout l’expression d’un art de haut niveau compte-tenu de la qualité du tissage. En effet, le label R’bati exige un minimum de 50.000 points au mètre carré, ce nombre pouvant augmenter jusqu’à 160.000 points. Anciennement il est tissé selon la technique du nœud de Ghéordès monobrin, ces pièces d’art à part entière qui, pour les plus anciens font partie des patrimoines familiaux sont le résultat de longues heures de travail, se produisent généralement en ateliers par des femmes ou des jeunes filles sous le regard vigilant d’un maalem ou d’une maalma, le maître.
Cependant, le tapis R’bati moderne s’est ouvert à de nouveaux décors. A partir des structures de base traditionnelles et utilisant aujourd’hui un fil de 2 brins selon les desiderata des uns et des autres, les tisseuses grâce aux designers ne cessent d’innover. La couleur rouge vif qui depuis l’origine caractérise l’authentique tapis R’bati tend à se diversifier, pour répondre aux goûts plus contemporains. Le bleu est notamment fréquemment utilisé pour s’accorder à des intérieurs modernes au risque de lui faire perdre son authenticité.
Il existe deux gammes de tapis R’bati :
Le R’bati supérieur dont la serrure est de 30/30 càd 30 nœuds pour 10 cm largeur et longueur. Et le tapis R’bati extra dont la serrure est de 40/40.
Comme je l’ai expliqué précédemment, le nœud utilisé est un nœud Ghéordès symétrique d’origine turque dit turkbaff utilisé dans le Caucase. Le brin est enroulé autour de 2 fils de chaîne.
Pour savoir quel nœud a été utilisé sur un tapis, il faut écarter le velours pour voir une rangée de nœuds. En effet, dans le turkbaff les 2 aboutissements du fil ressortent de la boucle du nœud.
Aujourd’hui, le tapis de Rabat conserve encore sa singularité grâce au talent et à l’expertise de ses créateurs Marocains et de la femme tisserande.
Ceci est évident dans la profusion de motifs floraux et géométriques qui sont mis en valeur par uen palette de couleurs harmonieuses et équilibrées. La finesse et la robustesse des fils de chaîne, de trame et de nœuds assurent la solidité de l’ensemble.
Le tapis de Rabat reste sans doute un symbole de créativité féminine urbaine séculaire, qui continue d’inspirer la culture matérielle contemporaine.